Un dialogué avec S.E. Mme. Taous DJELLOULI-HADDADI
Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire
de la République Algérienne Démocratique et Populaire en Roumanie
Vasile SIMILEANU: Votre Excellence,
Les développements politiques et sociaux en Afrique et en ont fait leur marque, sans aucun doute, sur la sécurité régionale et mondiale à des moments différents – à partir de la période coloniale à nos jours. Malheureusement, l’Afrique est confrontée à des crises les plus complexes: la minorité ethno-confessionnelle, territoriale, linguistique et endémique situation actuelle géopolitique et géostratégique est une équation complexe avec de nombreuses inconnues, déterminées par l’évolution de certains Etats…Comment pensez-vous que ces événements influencent l’évolution géopolitique au niveau régional et de l’Algérie?
Taous DJELLOULI-HADDADI: Il est certain que depuis le mouvement d’émancipation dans le continent africain qui a conduit aux indépendances, certains phénomènes que vous citez se sont exacerbés. Ces crises sont la résultante directe de divisions qui ont pu malheureusement être opérées ou du moins encouragées par le fait colonial lui même. Ceci étant dit, ces phénomènes ont pu prendre par moments des formes violentes à l’intérieur de certains Etats ou entre pays indépendants pour des raisons liées aux inégalités et injustices politiques, économiques ou sociales et parfois pour des différents territoriaux.
V.S.: Nous savons tous comment les frontières ont été tirées des états africains! Malheureusement, ces frontières ont eu des effets négatifs de l’évolution des états. Les conflits régionaux ont affecté la stabilité des pays disposés à des zones adjacentes de conflit. Comment des répercussions sur le conflit de l’Algérie en Libye?
Taous DJELLOULI-HADDADI: Au lendemain des indépendances (dans les années 60) et avec la création de l’OUA, les responsables africains ont eu la sagesse et ont fait montre de responsabilité en consacrant le principe de l’intangibilité des frontières héritées du colonialisme.S’il est vrai que ces frontières ont été tracées par les colonisateurs avec comme seul objectif leur propre intérêt et sans tenir compte des réalités ethniques, sociologiques ou religieuses, la remise en cause de ces frontières auraient entrainé des conflits dramatiques entre des pays fraichement indépendants et souvent fragilisés. Ceci n’a pas toujours empêché l’éclatement de conflits mais l’OUA devenue UA a assumé un rôle d’apaisement en s’appuyant sur ce principe.Pour sa part, l’Algérie depuis son indépendance si chèrement acquise, a veillé à la consécration de ce principe en signant des accords de délimitation des frontières avec tous ses voisins.Ce même principe et celui du droit à l’autodétermination des peuples expliquent son soutien au peuple du Sahara Occidental, dernière colonie d’Afrique.Actuellement, le défi est tout autre, en effet, l’Algérie mobilise des moyens financiers et humains énormes pour protéger ses frontières, non pas contre ses voisins, mais contre un autre type de menace à savoir, la menace terroriste qui ignore les frontières. La situation en Lybie est une réelle inquiétude pour toute la région et également pour l’Europe.
V.S.: Il y aurait, à long ou à moyen terme, un nouvel ordre régional qui ne serait plus un élément de discorde entre les Etats arabes, mais, au contraire, un facteur de stabilité pour générer de la richesse et d’arrêter les éléments terroristes développements? Pensez-vous qu’il est une utopie ou réalité?
Taous DJELLOULI-HADDADI: La Ligue des Etats arabes qui comprend aujourd’hui 22 Etats a été créée en 1945 par 7 pays fondateurs, les autres étant encore sous le joug colonial. En ce qui concerne notre région, les cinq pays du Maghreb ont créé en 1989 l’Union du Maghreb Arabe. Malheureusement, les événements qu’ont connu les pays de la région ont retardé le développement de ces regroupements. Toutefois, je voudrais citer quelques belles réalisations comme les gazoducs qui traversent la Tunisie et le Maroc pour transporter le gaz algérien, respectivement vers l’Italie et l’Espagne, l’autoroute qui doit aller de la Tunisie au Maroc en traversant l’Algérie, la route transsaharienne. Beaucoup reste à faire mais sachant que l’on peut tout changer sauf la géographie, nous sommes condamnés à nous regrouper si nous voulons compter sur un plan régional et international.
V.S.: Comment Algérie agira à l’avenir, compte tenu de la DAESH d’expansion en Libye? Quelle stratégie de sécurité seront abordées par l’Algérie pour la récupération, la reconstruction et la stabilité des pays voisins?
Taous DJELLOULI-HADDADI: Qu’il s’agisse de DAESH ou de tout autre groupe terroriste, la doctrine de l’Algérie est constante: On ne négocie pas avec les terroristes, on ne paie pas de rançons et on use de tous les moyens dont nous disposons pour combattre les terroristes. A compter de la fin des années 80, l’Algérie a traversé une décennie noire et a combattu, seule, le terrorisme. Elle a dénoncé sans malheureusement être entendue les risques de ce fléau. Il a fallu attendre, le début des années 2000 pour voir une réelle prise en charge de ce fléau qui ne connait pas de frontières.
V.S.: Dans les conditions actuelles, nous pouvons parler d’un dialogue régional sur les défis majeurs de risques de conflits et de sécurité? Quelles seront les relations algériennes avec les pays arabes en Afrique et au Moyen-Orient? Nous pouvons parler d’un partenariat entre les Etats arabes contre l’évolution du type terroriste ou DAESH al-Qaida, mais aussi un réexamen des partenariats avec la France? Nous pouvons parler d’une coalition militaire des Etats arabes en Afrique France et l’Italie pour lutter contre la migration illégale et le terrorisme pour les États membres EUROMED?
Taous DJELLOULI-HADDADI: L’un des principes de la diplomatie algérienne est la non ingérence dans les affaires internes des pays. Cela ne veut pas dire que l’Algérie ne s’intéresse pas à ce qui se passe autour d’elle notamment dans les pays voisins. L’Algérie privilégie toujours les solutions pacifiques et diplomatiques pour le règlement des conflits. Elle a d’ailleurs eu à mener, avec un certain succès, des missions de médiations ( Erythrée, Mali).En ce qui concerne la Lybie, je voudrais citer le Ministre des Affaires étrangères, M. Ramtane Lamamra, qui a affirmé que l’Algérie «ne sera pas entraînée dans une aventure militaire en Libye ou ailleurs», soulignant la nécessité d’un règlement pacifique de la crise libyenne. L’Algérie a toujours insisté et continue de le faire, dans ses concertations avec les acteurs internationaux, sur la nécessité d’un règlement pacifique et non militaire de la crise libyenne.Nous soutenons que les aventures militaires n’ont aucune chance d’aboutir au règlement de ce problème ni dans l’immédiat ni à long terme et que toute autre intervention militaire en Libye engendrera davantage de destruction et de pertes humaines.L’Algérie respecte le droit de la Libye d’instaurer le régime qu’elle juge adéquat pour son peuple et que le rôle de la communauté internationale est d’œuvrer avec tout son poids, afin d’aboutir à un règlement pacifique et consensuel à commencer par la formation d’un gouvernement d’Entente nationale qui tarde à venir.
V.S.: Après les développements en Irak, en Afghanistan et en Irak, une partie des éléments terroristes du Grand Moyen-Orient ont migré vers l’Afrique du Nord. Certains éléments ont migré vers l’Europe, générant une vague massive de migrants, qui a mis l’UE en difficulté. Comme nous le savons, leur nombre est impressionnant. Quelles sont les stratégies de l’Algérie pour limiter l’immigration clandestine en provenance d’Afrique vers l’Europe, compte tenu de l’état d’un pays de transit Algérie?
Taous DJELLOULI-HADDADI: Nous combattons également le terrorisme par des mesures législatives, l’Algérie a adopté très récemment un texte législatif qui prévoit que tout algérien impliqué dans un conflit à l’extérieur du pays ou voulant se déplacer dans une zone de conflit pour y participer est sous la menace d’une peine de prison.S’agissant de l’immigration clandestine, il faut savoir que l’Algérie souffre de ce phénomène. En effet, de nombreuses personnes venant en général de pays subsahariens et qui espèrent se rendre en Europe, sont arrêtées par les services de sécurité et prises en charge.
V.S.: «Printemps arabe» n’a pas affecté l’Algérie, alors que cet événement a commencé en Tunisie terminé le plus sanglant en Egypte et en Libye, culminant avec la férocité des événements en Syrie. Vous avez eu des stratégies pour contrer ces événements, ou des stratégies promues des effets limités? Vous aviez des stratégies ou des gens ponctuels comprendre que la stabilité est plus importante que l’Algérie?
Taous DJELLOULI-HADDADI: Les soulèvements populaires dans certains pays arabes n’ont heureusement pas affecté l’Algérie. C’est due essentiellement à deux facteurs majeurs. Il s’agit en premier lieu de l’expérience douloureuse qu’a traversé l’Algérie durant les années quatre vingt dix et qui a fait plus de 200.000 milles victimes. Il faut également citer la loi sur la réconciliation nationale voulue par M. Abdelaziz BOUTEFLIKA et adoptée par référendum par le peuple algérien et qui a ramené la paix et la sécurité. La récente révision de la constitution a apporté, quant à elle, de nouveaux acquis démocratiques au peuple algérien.
V.S.: DAESH agissant dans le voisinage de l’Algérie, ce qui représente un facteur de risque élevé. Il parle d’une coalition d’Etats arabes à intervenir contre ce fléau avec l’expansion mondiale. L’Algérie est susceptible de faire partie de cette coalition, étant donné que, à l’heure actuelle, l’intervention arabe terrestre serait nécessaire à la désintégration terroriste?
Taous DJELLOULI-HADDADI: Comme nous l’avons déjà indiqué, l’Algérie ne s’interfère pas dans les affaires internes des pays voisins et n’intervient en aucune manière, notamment militaire hors de son territoire. Le chef de la diplomatie algérienne a déclaré à ce sujet que «L’Algérie n’autorisera aucune participation de ses troupes armées à des opérations militaires en dehors de ses frontières, mais pourrait toutefois apporter un soutien logistique au-delà de ses frontières sans pour autant impliquer ses troupes armées.»
V.S.: Quelle position va prendre l’Algérie pour les options d’intervention en Libye acteurs des Etats arabes ”en dehors”? Quel sera, à cet égard, les relations avec l’UE et l’OTAN?
Taous DJELLOULI-HADDADI: Que ce soit une intervention militaire de la coalition arabe, de l’OTAN ou d’un pays de l’UE, la position de l’Algérie reste la même. Il n’y a pas de solution militaire au conflit lybien. Nous voyons tous les jours les conséquences dramatiques et en premier lieu pour le peuple lybien de la premiére intervention des pays de l’OTAN et de l’UE.
V.S.: Dans l’espoir de maintenir un dialogue ouvert, s’il vous plaît demander quelques mots le personnel géopolitique et les lecteurs!
Nous vous souhaitons beaucoup de succès en Roumanie et en remplissant les idéaux du peuple algérien!
Taous DJELLOULI-HADDADI: Pour finir, je voudrais vous remercier pour cet interview et j’espère que vos lecteurs auront des idées plus précises sur mon pays, son histoire, ses positions et les défis qui l’attendent au niveau national, régional et international. En ce qui concerne ma mission en Roumanie, je peux vous dire que je ne ménagerais aucun effort pour accroitre les relations algéro-roumaines à mon sens trop modestes.
Je vous remercie infiniment!
Interview réalisée par Vasile SIMILEANU
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