Interview avec S.E. Saker MALKAWI
Ambassadeur de Royaume Hachémite de Jordanie
Cleopatra LORINŢIU: Votre Excellence Monsieur l’Ambassadeur, dans les milieux politiques actuelles, il y a un concept de „promotion de la démocratie”, devenu aujourd’hui un objectif de politique étrangère pour de nombreux acteurs.
Le Royaume Hachémite de Jordanie, avec son rôle géopolitique traditionnel dans une région si mouvementée, fait la démonstration qu’il est préoccupé par ces avancements démocratiques. Este que vous pouvez exemplifier ça?
Saker MALKAWI: En Jordanie, la réforme est un processus permanent. Les dirigeants jordaniens, et à leurs tête le défunt Roi Hussein, suivi par Sa Majesté Le Roi Abdullah, sont les héritiers de la dynastie Hachémite. Qui a connu une lignée de dirigeants réformistes. Déjà, le Roi Talal, grand-père de l’actuel Roi Abdullah II, est l’initiateur et l’inspirateur de la Constitution jordanienne de 1er janvier 1952.
Les guerres et l’afflux de réfugiés et les troubles en résultant ont certainement empêche le fonctionnement normal de la vie politique et économique du pays. Entrainant un processus de réformes des 1989.
Ce processus a reçu quelques ralentissements et de reculs surtout a cause de certaines forces anti-réformes.
Mais dès 2011 le pays a connu une accélération sans précèdent des reformes. Aboutissant à l’amendement de plus du tiers de la Constitution. La création de la Cour Constitutionnelle et la Commission Électorale, qui a pour mission de surveiller le bon et transparent déroulement des différentes élections en Jordanie.
C.L.: La position géographique et géopolitique de la Jordanie le place dans le milieu des tensions en ces moments-là. Comment jugez-vous les actions du soit disant «ISIS», l’auto intitulé État islamique, organisation capable à compromettre les efforts pacifiques et qui a aussi la capacité de semer la discorde et la confusion. Comme petit bémol, je crois que les états arabes devraient expliquer d’avantage aux peuples de partout dans le monde ce titre avec lequel il se proclame comme porteur des valeurs spirituelles de l’Islam!
Saker MALKAWI: Comme l’a souligné Sa Majesté le Roi Abdaallah devant le Parlement Européen à Strasbourg. Sa Majesté y a condamné l’exploitation de la religion par un groupe qui ne montre aucun respect des valeurs de l’Islam. „Nous, et les autres pays arabes et musulmans, nous défendons non seulement notre peuple, mais aussi notre foi. Cette lutte doit être menée par les nations musulmanes d’abord et avant tout. C’est un combat a l’intérieur de l’Islam. Et en même temps, le danger de l’extrémisme doit être vu pour ce qu’il est: mondial”.
Il a fait une parallèle entre ce groupe EI et le nazisme: „aujourd’hui nous menons une guerre similaire. Une guerre contre une idéologie expansionniste qui se nourrit de haine, qui commet des meurtres au nom de Dieu et de la religion pour justifier des actions mauvaises qu’aucune religion ne peut accepter; une guerre contre des terroristes qui insultent les valeurs de l’Islam et de l’humanité. Notre victoire dépend à présent de notre unité”. Mais il n’a pas manqué de pointer les responsabilités occidentales dans l’émergence des jihadistes. Comme l’islamophobie et aussi l’absence de solution à la situation des palestiniens, qui alimente également les frustrations dans la région. Il a précisé: „Permettez-moi de décrire la situation telle qu’elle est: plus la construction de colonies israéliennes, moins de respects pour les Palestiniens occupés.
Cet échec envoie un message dangereux. Il érode la confiance dans la loi et dans la communauté internationale. Il ébranle un pilier de la paix mondiale: le fait que les conflits doivent être résolus par des moyens politiques, pas par la force, pas par la violence. Cela a offert aux extrémistes un puissant cri de ralliement. Ils exploitent les injustices et ce conflit persistant pour bâtir une légitimité et recruter des combattants étrangers a travers l’Europe et le monde”
C.L.: Pour la Reine Rania de Jordanie, «la modernité signifie le progrès. Elle ne signifie pas que notre identité doive se livrer à l’imitation aveugle des autres cultures». En tout cas c’est que les média ont retenu après l’interview du janvier dernier, a la question de Christian Makarian pour lexpress.fr «Comment considérez-vous la présence musulmane dans les pays d’Occident? Une chance, un questionnement ou un défi?»
La reine a répondu: «C’est tout simplement une réalité, qui représente une opportunité. De plus en plus, j’ai peur de voir se répandre en Occident la suspicion et les stéréotypes négatifs au sujet des Arabes et des musulmans. Mais connaître un musulman, avoir un musulman pour voisin ou pour collègue de travail, peut rapidement dissiper ces idées fausses. Il est très facile de diaboliser des gens que vous ne connaissez pas. Une fois que vous avez la possibilité de communiquer avec eux, de partager un repas ou d’avoir une conversation, les choses apparaissent tout autres…»
En tant que diplomate avec une telle expérience européenne, est ce que vous pouvez identifier la modalité de concilier les visions, de faire expliquer les différences et les particularités?
Saker MALKAWI: Je crois que les gens de bonne volonté pourront toujours chercher et trouver les très nombreux points communs. Que ce soit au niveau de civilisation, culturel ou religieux.
Ceci est valable aussi bien pour un couple comme pour deux personnes d’une même ville ou d’un même pays. Le seul préalable est la conviction que le respect d’autrui est important et nécessaire.
C.L.: La Jordanie subit les effets collatéraux de la guerre civile en Syrie.
Comment voyez-vous la situation évoluer?
Saker MALKAWI: Tous les «experts» qui s’exerçaient à prévoir une issue rapide ou une échéance proche ont lamentablement échoué. Sa Majesté le Roi Abdullah, l’a dit dès le début: qu’il faut une solution politique interne, et que se trompent ceux qui croient que ce soulèvement finira aussi rapidement que certains autres.
Mais cela doit nous interpeller pour garantir une vie humainement acceptable pour les quelques 1.300.000 réfugies syriens en Jordanie, et les autres réfugies non moins nombreux au Liban et en Syrie. Et les graves conséquences financières, environnementaux, sanitaires et aquatiques, pour un pays déjà surendetté et luttant tant bien que mal pour approvisionner sa population en eau potable et assurer une couverture médicale minimale pour sa population.
C.L.: Comment considérez vous le rôle des relations jordaniennes- roumaines qui voilà, fêtent maintenant 50 ans. Cette Roumanie qui se trouve aux Portes de l’Orient, qui est placée au carrefour des civilisations avec son histoire complexe et sa réalité pourtant contradictoire, qu’est ce qu’elle vous inspire pour votre but, essentiellement diplomatique?
Saker MALKAWI: Comme l’ont souligné à plusieurs reprises plusieurs hauts responsables des deux pays, la Roumanie et la Jordanie peuvent (et le font dans certains domaines) servir chacun, comme base de rayonnement dans sa région respective. A voir l’exemple des deux ambassades, servant déjà comme points de départ avec les pays voisins.
Bénéficiant du capital humain accumulé depuis des décades. Surtout les milliers de familles mixtes et d’anciens étudiants qui occupant maintenant des positions très importantes en Jordanie.
Les deux pays ont une vision très semblables concernant les problèmes régionaux et internationaux.
Je vous remercie infiniment!
Interview réalisée par Cleopatra LORINŢIU
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