La renonciation de Benoît XVI et la réunion prochaine du conclave destiné à élire le nouveau pape appellent l’attention du monde sur Rome, en tant que centre spirituel, et donc sur l’Europe. Ce n’est pas là une simple coïncidence géographique. L’interdépendance historique entre la Chrétienté et l’Ancien Occident est à l’origine d’une certaine idée de l’Europe comme mouvement, ouverture sur le lointain et transcendance. Si l’état présent des choses est fort éloigné de cette «Grande Idée», celle-là doit demeurer une source d’inspiration pour les tenants d’une Europe du grand large.
Depuis, l’Europe a abandonné la plupart de ses positions dans le monde, la disparition des empires ultra-marins marquant la fin d’une hégémonie de plusieurs siècles, tant sur le plan intellectuel et spirituel que dans l’ordre matériel. Si la structure politique formée autour des Etats-Unis est pour partie l’héritière de ce puissant passé, les Etats européens se sont repliés sur leur espace propre et l’Europe cherche à se transformer en une simple unité géographique parmi d’autres unités du même type. Ainsi l’Union européenne et ses Etats membres s’épuisent-ils à s’unir dans le but de s’unir, l’objectif le plus ambitieux étant de constituer une «zone monétaire optimale» plus ou moins efficiente. En retour et selon un effet non-voulu, le projet ébranle l’ «Europe une et libre» qui, avec l’élargissement à l’est du rideau de fer, a pris forme dans l’après-Guerre froide. Au total et si l’on pense en termes de siècles, le Vieux Continent n’est plus que l’ombre de lui-même, ses anciens tributaires considérant avec mépris ses palinodies sur la «puissance douce» et sa prétention à réaliser le « meilleur des mondes ». Pour autant, la «Grande Idée» demeure, tel un archétype platonicien. Elle invite à ne pas se satisfaire d’une sorte de provincialisation de l’Europe, à renouveler ses liens avec les nouveaux mondes qu’elle a découverts et fécondés, à maintenir ouvertes les routes du grand large.
Aussi et surtout, la vision de l’Europe comme «Grande Idée» invite à dépasser l’ambiance relativiste-matérialiste des temps présents pour en appeler à ce qui passe infiniment l’Homme. Point d’avenir et de métamorphose sans regard vers le lointain, visée transcendante et dépassement des formes héritées dans une synthèse supérieure.
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