„Si l’on s’enforce de tracer sur un planisphère la ligne qui théoriquement sépare les pays développés de ceux du Tiers-Monde ou comme on dit aujourd’hui le «Nord» du «Sud», on peut constater que cette ligne passe assurément par la Méditerranée américaine et par la Méditerranée euro-arabe. En revanche, en passant au nord de l’Australie (la métaphore Nord-Sud devant être inversée dans cette partie du monde), elle laisse de côté la Méditerranée asiatique. Sur cette longue ligne de clivage Nord-Sud, on peut distinguer différents secteurs en fonction de l’intensité des phénomènes relationnels entre les pays développés et pays sous-développés. Sur de longs secteurs de cette ligne, comme celui qui traverse des régions très faiblement peuplées à l’intérieur du continent asiatique et qui corespond aux frontières de la Russie avec la Mongolie et avec la Chine, il ne se passe pas grand-chose pour le moment. Les secteurs où les phénomènes relationnels entre le Nord et le Sud (commerce des biens, circulation des idées, phénomènes migratoires, mais aussi conflits) sont les plus intenses sont ceux qui correspondent à la Méditerranée américaine et surtout à la Méditerranée euro-arabe. La Méditerranée euro-arabe est le secteur de cette ligne de clivage planétaire où les relations sont les plus complexes et surtout où les tensions sont les plus fortes. Cela est dû, pour une grande part, au fait que la conquête coloniale s’y fit extrêmement tardivement et qu’elle fut le fait de pays, somme toute, très proches les uns des autres. Alors que conquête coloniale de l’Amérique commença au XVIe siècle et celle de l’Inde au XVIIIe, celle de l’Algérie commença en 1830 et celle du Proche-Orient en 1920 seulement. Ce caractère très tardif de la colonisation européenne en Méditerranée euro-arabe tient à l’obstacle que constitua longtemps l’Empire ottoman et au fait que les pays impérialistes européens furent longtemps davantage attirés par les richesses tropicales, en dépit de leur éloignement”.
Yves Lacoste, La Méditerranée euro-arabe, în Dictionnaire de Géopolitique, Flammarion, Paris, p. 995.
Coments