Marcela SĂGEATĂ
Radu SĂGEATĂ
Traditions et permanences daco – romains dans le système d’établissements humains de la Roumanie
À de rares exceptions près (Sarmizégétusa romaine, Aquae en Dacie inférieure), les vestiges archéologiques prouvent que presque tous les bourgs et les villes de la Dacie romaine sont greffés sur d’anciens établissements daces. Alors que les noms des autochtones relevés sur les inscriptions de cette province peuvent se confondre avec ceux des éléments thraces venus comme colons du sud de Danube, la céramique offre le témoignage formel de la continuité de vie en ces régions. Cette permanence est seule à pouvoir expliquer la masse de toponymes daciques conservés dans les villes, les bourgs et les villages de la Dacie romaine. En effet, les Romains n’ont introduit de nouvelles appellations que dans le cas des villes fondées officiellement: Ulpia Traiana Dacica et Romula. Et encore, le souvenir de la capitale du royaume dace imposa à la colonie de la vallée de Hatzeg le topique de Sarmizégéthusa, de même qu’il est certain que dans le cas de Romula, du moins au IIe siècle de n.è., on employait parallèlement l’ancien nom gé to – dace de la localité, qui était Malva. Là où les empereurs ont colonisé dans les campagnes de puissants groupes de nations, l’on y retrouve quelque noms nationaux de vici (Ad Pannonios, vicus Pirustarum, kastellum Baridustarum etc.). Il y a aussi des toponymes qui semblent représenter des traductions directes de la langue parlée par les Géto – Daces (Augustia, Aquae, Caput Bubali, Pons Aluti, Pons Vetus, Petrae etc.). Enfin, d’autres noms se sont imposés à la longue par la fonction de la localité respective, militaire (Castra Traiana, Castra Nova, Praetorium) ou économique (Centum Putei, Pons Augusti, Salinae). Pour ce qui est des toponymes ruraux, les inscriptions sont muettes. Ptolémée (vers 120 – 150) a enregistré des établissements tribaux ou économiques de quelque importance à une date antérieure à la pénétration des Romains en Dacie. Mais les chiffres indiqués par des coordonnées géographiques de Ptolémée sont sans utilité pour la précision de l’emplacement de ces localités. Tout aussi rares sont les données récoltées dans la compilation cartographique ultérieure du géographe Ravennant (VIIe siècle de n.è.). Les seules indications qui comptent à ce propos restent donc celles fournies par la Tabula Peutingeriana (IIIe siècle de n.è.), qui, en dépit de quelques erreurs portant sur les chiffres routiers, assure cependant la localisation de plusieurs stationnes et mansions des voies impériales qui sillonnaient la province. Malheureusement, en dehors de ces grandes routes d’accès, nous voguons du point de vue géographique en pleine obscurité et qui plus est, il y a bien peu de chances que les futures découvertes épigraphiques puissent d’autres noms de bourgs et villages… Les premières villes de Dacie ont été fondées à l’arrivée des Romains, car la Dacie libre ne connaissait que les bourgs, sorte d’agglomérations de caractère économique local et centres administratifs – religieux de type oppida, détruits par la conquête romaine. La ville de l’Antiquité n’était pas un simple conglomérat de maisons et de personnes. C’est seulement quand dans un établissement bien développé s’épanouissait une puissante vie collective, fortement cimentée autour de certains bâtiments publiques et d’institutions religieuses qui donnaient lieu à d’importants éléments d’urbanisme, qu’on pouvait parler d’une véritable ville romaine. Chaque ville de Dacie était sous la protection d’une divinité poliade à laquelle l’on consacrait un sanctuaire important (Aesculape et Hygie à Apulum, Fortune à Romula, Némésis à Sucidava etc.).
(D. Tudor, 1968, Villes, bourgs et villages en Dacie Romaine, Ed. Ştiinţifică, Bucureşti, pp. 388 – 389, 393).
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