Turcs et Arabes, tous en majorité des musulmans sunnites, ont en commun de nombreux traits culturels, mais ils divergent sur beaucoup d’autres, ce qui rend leurs relations aujourd’hui à la fois empreintes de paradoxes et d’ambiguïté.
Le passé ottoman, la différence linguistique, les nationalismes arabe et turc, la vocation européenne, la question kurde, les rapports turco-israéliens ont été autant de thèmes qui ont éloigné ou rassemblé les Turcs et les Arabes.
À l’heure où les conflits israélo-palestinien et israélo-arabe s’enlisent et où la solution politique, celle de deux États, s’éloigne chaque jour un peu plus, la solidarité qu’exprime aujourd’hui la diplomatie turque envers la cause palestinienne n’empêche pas dans le fond l’expression de sentiments contradictoires, voire de méfiance réciproque entre les deux entités turque et arabe. Dès lors, l’objectif de ce travail est de décortiquer l’état des différences politiques et historiques, mais également les points de rencontre entre Turcs et Arabes au travers de l’analyse de l’exemple des relations turco-syriennes.
Il est frappant de constater que, durant des décennies, une profonde méfiance a caractérisé les relations difficiles entre la République turque et les pays arabes.
Nombre de paramètres historiques expliquent cette situation qui peu à peu change aujourd’hui, notamment avec le réchauffement des relations turco-syriennes particulièrement et avec les pays du Maghreb plus globalement. La défaite puis le démembrement de l’Empire ottoman et la guerre de libération qui s’est ensuivie, menée et gagnée par le réformateur et père de la Turquie actuelle, Moustafa Kemal Atatürk, et la proclamation de la République turque moderne et laïque ont été autant de facteurs qui expliquent du côté arabe comme du côté turc la méfiance, pour ne pas dire la haine qui va désormais s’instaurer entre les deux nations.
Si les Turcs sont convaincus d’avoir été trahis par les peuples et les dirigeants arabes pour leurs choix lors de la Première Guerre mondiale, de leur côté les Arabes reprochent à la Turquie kémaliste d’avoir trahi les bases fondamentales sur lesquelles a été fondée la nation musulmane post-Prophète, à savoir le système califal dont la suppression par le nouveau leader turc constituait le point d’orgue du divorce turco-arabe. Ce changement profond annonçant l’avènement d’une Turquie laïque et débarrassée de son passé ottoman va dès lors nourrir l’animosité et la méfiance arabes à l’égard des Turcs. Il faut observer que ce sentiment de méfiance sera beaucoup plus visible au Moyen-Orient qu’il ne l’a été dans les pays du Maghreb, à titre d’exemple.
Le poids de l’histoire La Pax Ottomanica, qui a rayonné des Balkans à la péninsule Arabique jusqu’à la fin du premier conflit mondial, constitue l’héritage qui permet aujourd’hui à la Turquie d’entretenir une politique étrangère en deux directions, à la fois occidentale et orientale, dont le but essentiel est d’assurer une meilleure lisibilité de ce pays tant sur la scène régionale qu’internationale. Le père fondateur de la nation turque actuelle, Mustafa Kemal Attatürk, avait en effet pris acte de la mort de l’Empire ottoman après sa défaite en 1918, avait aboli le califat ottoman, créant ainsi une république laïque et mettant en place de grandes réformes pour moderniser le pays.
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